Du
bon usage des dialogues de films
Si un film se regarde plus qu’il ne s’écoute,
quel rôle jouent les dialogues de films au sein des continuités
dialoguées ? Trois conseils pour écrire vos dialogues sereinement.
Au cinéma,
le langage verbal serait l’outil dramatique le moins efficace pour
générer du sens, contrairement au langage visuel : les
actions, les gestes, les regards, les expressions, les décors, les
paysages… Beaucoup vous diront qu’il faut recourir au
dialogue seulement s’il est impossible de faire autrement.
« Tout ce qui est dit au lieu d’être montré est perdu pour
le spectateur » nous dit Alfred Hitchcock. Avant d’en mettre,
Kurosawa se forçait à écrire ses scénarios sans dialogues. Et
déjà en son temps, Diderot disait : « Nous parlons trop
dans nos drames. »
Un
film est plus quelque chose qu’on regarde que quelque chose qu’on
écoute. On devrait donc pouvoir tout exprimer sans prononcer un seul
mot, pourtant il est quasi impossible pour le spectateur de
se passer des dialogues. Même dans les films muets on
l’utilisait dans les intertitres. Il est vrai qu’il est tout
à fait naturel de voir parler des humains entre eux, comme dans la
vraie vie. Tous muets, ils « parleraient » avec les
mains. Sans doute notre besoin vital de communiquer.
Les dialogues d’un film doivent suppléer l’image
Le
dialogue ne peut être considéré comme un élément à part du
film. Les meilleurs dialogues ne valent rien, si derrière, il n’y
a pas de caractérisation, de structure et surtout d’action. Le
dialogue ne peut porter le récit, il ne doit que suppléer l’image.
(C’est en France qu’on a nourri ce culte du dialoguiste avec des
gens comme Michel Audiard, bien que ce soit aujourd’hui une idée
qui disparaît.) Curieusement, les chefs-d’œuvre du cinéma sont
souvent mal dialogués. Mais de bons dialogues n’ont jamais sauvé
un mauvais film !
Ainsi,
je m’efforce d’écrire mes histoires sans dialogue. Une façon de
faire qui leur donne ensuite tout leur sens lorsqu’ils doivent
intervenir. Je traite les sons, la musique au même niveau que les
dialogues. Et je n’hésite pas à préférer un son significatif à
une réplique. L’intériorité est dans le silence. Un personnage
qui parle pour dévoiler cette intériorité passe dans
l’extériorité.
INT.
APPARTEMENT – JOUR
PERSONNAGE
Je vais à la
cuisine.
On suit le
PERSONNAGE. Il va à la cuisine.
(Rien de plus plat.)
INT.
APPARTEMENT – JOUR
PERSONNAGE
Je vais à la
cuisine.
On suit le
PERSONNAGE. Il va aux toilettes.
(Ici, quelque chose se joue, on crée du
sens.)
De
même, ne faites pas dire à un personnage : « cette
personne est mauvaise ». Montrez cette personne en
train de faire quelque chose de mauvais.
Dites
peu
Une
autre erreur courante dans les dialogues de beaucoup de films :
trop d’informations ou la répétition d’une même
information. Un dialogue doit apporter le maximum
d’informations ou susciter le maximum d’émotion avec
le minimum de mots. Dire les choses avec le moins de
mots possible, c’est donc dire l’essentiel. Pour éviter
cette erreur, les scénaristes américains disent dans leur
jargon qu’il faut « dégraisser » les dialogues pour
ne retenir que l’indispensable.
Lisez
vos dialogues à haute voix
N’oubliez
jamais qu’un dialogue est fait pour être dit et non pour être
lu. Il faut donc les lire, ou les faire lire par quelqu’un à
haute voix. Pour nos confrères américains encore, une
réplique est ainsi bonne ou mauvaise. Il n’y a pas d’autre
alternative. Et lorsque vous trouvez vos dialogues
sensationnels, c’est probablement qu’ils sont mauvais. La
perfection, c’est la littérature.
Y a-t-il
des choses qui ne peuvent être véhiculés que par le dialogue ?
C’est ce que nous tenterons de découvrir dans le prochain article
consacré aux fonctions du dialogue. En attendant, je vous invite à
découvrir les vidéos de notre kit
de démarrage pour écrire un scénario de cinéma.
Sur ce, bonne écriture !
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