4 - LES PERSONNAGES (partie 2)


Combien de personnages dans mon histoire ? Comment définir mes personnages ? Comment créer un nouveau personnage ? Comment équilibrer mon propos ? Le personnage objet ? Cinq questions auxquelles nous allons répondre dans cette deuxlème partie concernant la création des personnages. 5 questions auxquelles un auteur de scénarios, de pièces de théâtre, de BD, voir de romans, est à un moment confronté.


Combien de personnages dans mon histoire ?
    Dans sa Sémantique structurale : recherche et méthode (Larousse, 1966), Algirdas Julien Greimas définit les six fonctions dramatiques essentielles des personnages du récit. Des fonctions qu’il appelle « actants » et qui sont des sphères d’action.
    Dans ce schéma, les actants se positionnent en fonction du désir du protagoniste (ou sujet) dirigé vers un objectif réifié (ou objet), dans la droite ligne de la dramaturgie classique (voir notre point vidéo sur les deux types de méthodes d'écriture et celui sur le couple protagoniste-objectif, le 1 du 1-2-3 dans une fiction, NDLR). 

    Le modèle actantiel de Greimas fait rentrer en relation six sphères d’actions : le protagoniste (sujet), l'objectif (objet), l’antagoniste, l’adjuvant, le destinateur et le destinataire.
    • le protagoniste souhaite atteindre l'objectif ;
    • l’adjuvant l’aide dans la réalisation de ce désir ;
    • l’antagoniste tente d’empêcher qu’il se réalise ;
    • le destinateur confie la mission au protagoniste. Il est par ailleurs le garant du système de valeurs propre au récit (le juge dans une histoire policière, le parrain dans une histoire mafieuse, etc.) ;
    • le destinataire est quant à lui celui qui bénéficiera de l'objectif, une fois atteint.
     
    L'intérêt étant qu’un seul personnage peut englober plusieurs actants. Le destinateur peut être l’adjuvant puis s’avérer être l’opposant. Le protagoniste peut-être son propre opposant, puis son adjuvant, s’il change en bien pour obtenir son objectif. Il peut aussi être son destinateur, si ce sont ses propres valeurs qui le poussent à agir. Si toutes les combinaisons sont possibles, certains schémas actantiels caractérisent des genres narratifs précis. Un auteur doit ainsi connaître parfaitement les fonctions des personnages type de la mécanique dramatique qu'il emploie, comme ceux de la comédie ou du policier par exemple. 
    La fonction dramatique de chacun de vos personnages doit être claire, surtout dans les intrigues chorales. Si vous avez des personnages qui ont la même fonction dramatique, essayez de les rassembler en un seul pour éviter que le public ne se perde. Vous devez utiliser le nombre de personnages minimum nécessaires à votre mécanique dramatique, mais pas plus. 

    Comment définir mes personnages ?

    Sydney Field affirme qu’il faut connaître son personnage comme soi-même avant de coucher un mot sur le papier. Beaucoup pensent comme lui que tout personnage doit être dessiné du point de vue physique, sociologique et psychologique. Je préfère cependant construire plus rapidement mes personnages en esquissant trois autres dimensions qui sont, elles, directement liées à mon récit :

    • ses pensées (philosophie, valeurs morales, point de vue sur le monde qui le pousse à agir) ;
    • ses actions (en réaction aux obstacles rencontrés) ;
    • ses émotions (réactions émotionnelles, failles qui l'empêchent d'atteindre son objectif).
    Ces trois dimensions sont plus importantes à mon sens qu'une description socioculturelle. Cette dernière est rébarbative à écrire et elle n'est pas utilisable directement dans le récit.
    « La philosophie du personnage entraîne une attitude particulière face à la vie qui provoque des décisions qui impliquent des actions. Ces actions prennent racines dans la vie émotionnelle du personnage qui le prédispose à commettre certaines actions plus que d’autres et qui le fera réagir d’une façon qui lui est propre aux actions des autres personnages. »
    Linda Seger

     

    Comment créer un nouveau personnage ?

    Il n’y a pas si longtemps, et à quelques rares exceptions près, les personnages féminins n'étaient présents que pour l’amourette et le sexe. Aujourd’hui, de plus en plus de personnages féminins sont les protagonistes des histoires portées à l’écran. (Voir notre Buzz fiction sur le syndrome de la fiction française : des séries low concept centrées sur les femmes, NDLR).
    En 1914, dans son livre L’art d’inventer les personnages, Georges Polti écrivait que tous les personnages masculins avaient été traités. En revanche, prenez un personnage masculin et faites-le devenir une femme, c’est un nouveau personnage.
    L’Art est le miroir de la société. Par conséquent les femmes ont pris de plus en plus de place dans la bd, le roman ou le cinéma, tandis qu'elles devenaient les « égales » des hommes. Elles vivent dans les fictions d'aujourd'hui les mêmes problématiques tout en gardant celles qui leur incombent depuis des siècles : mettre des enfants au monde, les élever, s’occuper des tâches ménagères, gérer le budget familial, etc. 
    Non seulement les personnages féminins sont des personnages nouveaux, mais cette situation les rend plus riches et plus complexes.

    • Une femme veut réussir en politique.Raconter cette histoire, c’est raconter l’histoire d’un personnage qui doit doublement se battre, doublement vivre du conflit. D’abord en tant que femme dans un monde supposé encore tenu par les hommes, puis en tant que personnage politique qui doit franchir tous les obstacles pour réussir. L’histoire devient alors plus palpitante, sa réussite plus éclatante (voir l’histoire de Madame Tatcher, la Dame de fer).

       
      Ce qui faisait dire à Georges Polti que le monde de demain sera le monde des femmes. Je vous laisse le soin, messieurs, d’apprécier cette affirmation. Enfin, à la question qui a embarrassé plus d’un scénariste comment traiter un personnage féminin ? je répondrai : tout simplement de la même façon que l’on traite un personnage masculin, sans faire dramatiquement de différence.  
       

Comment équilibrer mon propos ?

Si votre histoire expose un point de vue très personnel, utilisez un personnage secondaire pour équilibrer le propos : vous éviterez d'être trop assertif ou d'être mal interprété. Cette technique permet de ne pas limiter le propos, mais de l’ouvrir à un plus vaste public.

      • Vous traitez du racisme envers les noirs.Il vous faut un personnage(s) blanc qui ne l’est pas.
      • Vous voulez affirmer que dieu existe.Il vous faut un personnage(s) qui ne croient pas en dieu, etc.
       
Le personnage objet ?

Un auteur peut prêter une intention à un objet (et même lui attribuer un caractère ou un but), afin de mettre en valeur sa thématique.
    L’alambic du père Colombe assume dans L’Assommoir (Zola) un rôle essentiel, et ce dès le début du roman. Dès le second chapitre, la machine est considérée comme un véritable être vivant dont la dimension est très symbolique.

Pour conclure ce chapitre sur les personnages qui aurait encore une fois exigé beaucoup plus d’explications et d’approfondissement, on peut dire que les histoires sont toujours simples. Ce sont les personnages qui leur donnent leur complexité. Et surtout le personnage principal qui porte et donne la direction de l’histoire. À tel point que raconter une même histoire d'un point de vue différent (celui d'un autre personnage) donne un récit différent.

Dans mon prochain article nous parlerons de la structure qui, comme le reste, doit participer au sens de votre histoire. Nous plongerons cette fois dans le grand débat du fond et de la forme : du sens et de la structure.


 

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